DSI Prophet ’08

Synthèse analogique
Polyphonie 8 voix
Mémoires 2 banques de 128 programmes, 2 layers par programme
Année de sortie 2007
Interface MIDI (in/out/thru) + extension poly chain

 

Le nouveau Prophet ?

C’est évidemment la première question suggérée par la communication DSI :

  • 1978 – avènement du Prophet 5
  • 2008 – naissance du Prophet ’08.
    Le choix du nom, certains aspects du design, notamment les boutons à collerette chromée et la police des caractères du logo : pas d’équivoque. A son propos, Dave Smith annonce être allé beaucoup plus loin dans la conception de son nouveau bébé et a pour réputation de regarder vers l’avenir plutôt que de se retourner vers le passé.
    Alors, appui marketing ou point de départ, l’héritage de l’illustre ancêtre pourrait être dur à assumer.
    Comment s’en sort ce nouveau venu dans l’illustre club des claviers analogiques polyphoniques ?

    Conception

    Synthèse soustractive, trajet du signal audio entièrement analogique, absence de convertisseurs D/A (ni A/D : aucun effet embarqué). Les VCF font appel à des CI Curtis (les mêmes que sur les Evolver).
    S’appuyant sur une conception très classique, ce synthé bénéficie de nombreux atouts complémentaires hérités des Six-Trak, Multi-Trak de Sequential pour les modes de jeu et des Evolver de DSI pour les routages de modulation, les LFO, le séquenceur et l’horloge.

    Voix

    Chacune des 8 voix comporte :

  • 2 DCO (triangle, dent de scie, triangle/dent de scie, rectangle largeur 0 à 99% et PWM), hard-sync, glides séparés pour les 2 DCO, volume mix des 2 DCO
  • 1 générateur de bruit blanc avec réglage de niveau
  • 1 VCF passe-bas commutable en 12 ou 24 dB/octave
  • 1 VCA avec volume de base, pan spread (distribution des voix dans l’espace stéréo)
  • 3 générateurs d’enveloppe ADSR + délai (1 attribué au VCF, 1 au VCA et 1 assignable avec repeat commutable).

 

Modes de jeu


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les voix sont organisées en 1 ou 2 layers, selon le mode de fonctionnement choisi.
Les différents modes de jeu définissent l’assignation des voix (visualisation par 8 leds) :

  • mode polyphonique 8 voix (mono-timbral) : choix du layer A ou B
  • mode stack (mono-timbral) : superposition des layers A et B, polyphonie 4 voix
  • mode split (bi-timbral) : 2 zones définissables, polyphonie 4 voix par zone
  • mode unisson : 1 voix (2 DCO) ou 8 voix (16 DCO) avec 3 niveaux de désaccordage.

 

Modulations

 

 

 

 

 

 

Un des grands atouts de cette machine.
Pour chacun des 2 layers, il est possible de définir le routage de 4 sources vers 4 destinations avec réglage de niveau (positif ou négatif). De plus, 5 contrôleurs MIDI (molette de modulation, vélocité, after-touch, breath control, entrée CV/pédale d’expression) peuvent aussi être routés de la même façon.
Il n’est pas interdit de router la même source vers plusieurs destinations. On peut ainsi, par exemple :

  • combiner 2 sons répondant à des vélocités inverses (démo 1)
  • assigner en même temps l’ouverture du filtre et sa résonance à la molette mod-wheel pour obtenir un réglage apparenté au « traveler »…
    Inversement, plusieurs sources peuvent moduler un même paramètre.
    A ne pas oublier : la modulation de la fréquence du filtre par le signal du DCO 1.

 

LFO

De plus, chacun des 4 LFO peut être routé directement ou via un ou plusieurs modulateurs.
La fréquence va de 0,03 à 8 Hz puis par demi-tons jusqu’à C3 (261 Hz). Elle peut aussi être synchronisée au tempo, à ses divisions ou multiples (16 réglages). Il y a également un mode Key Sync (commutable indépendamment pour chaque LFO) où la forme d’onde démarre à chaque note. Les formes d’onde sont :

  • triangle
  • dent de scie
  • dent de scie inversée
  • carrée
  • aléatoire.

En mode split ou stack, 8 LFO sont disponibles…

Séquenceur

Encore un grand plus.
De type analogique 16 pas et 4 pistes, c’est à peu près le même que sur les Evolver.
En mode split ou stack, on bénéficie de 2 séquenceurs indépendants (démo 2).
Chaque piste est assignable, comme les modulateurs, à la plupart des paramètres.
A noter que, contrairement à l’Evolver desktop, les valeurs des pas s’affichent sous forme de notes (notation anglo-saxonne) lorsque la piste pilote un DCO, ce qui est plus pratique que des valeurs de 1 à 128 par pas d’1/4 de ton.
Autre amélioration : le déclenchement possible des pas par chaque note jouée. Ce qui permet d’envisager toutes sortes d’évolutions du son note après note (démo 3).

Arpégiateur

Classique : up, down, up/down, assignable. Mémorisable et transposable.

Horloge

Le chef d’orchestre :

  • réglage du tempo (30 à 250 bpm)
  • division de l’horloge (de bpm/2 à bpm x 64 : 13 réglages incluant triolets et 2 niveaux de swing)
  • synchro MIDI en transmission ou réception.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MIDI

L’engin est très causant. A peu près tout est transmis et reconnu par le MIDI. Les messages sont sous forme de CC ou de NRPN (non-registered parameter number), ce dernier permettant de transmettre et recevoir à la fois les paramètres des programmes et des réglages globaux de la machine.
Aucun problème, je joue, je triture dans tous les sens, tout en enregistrant dans un séquenceur MIDI ; à la lecture, pas d’embouteillage, tout est reproduit à l’identique.

Connectique

  • 2 sorties audio stéréo (jacks 6,35) : main et output B (sorties séparées des 2 layers lorsque output B est utilisée)
  • 1 sortie casque stéréo (jack 6,35)
  • 1 entrée CV/pédale d’expression
  • 1 entrée sustain (switch)
  • MIDI in/out/thru
  • Poly Chain pour extension de voix (si non activé, se comporte comme un deuxième MIDI out)
  • Alimentation 13-15V DC/400mA (transfo externe).

 

Premier contact

Aspect

L’engin est étonnamment compact, fin et peu profond et n’accuse que 11 kg sur la balance.
Le design « néo-rétro » est original et assez classieux, à mon avis. Malgré son allure d’objet précieux, sa coque en métal lui confère une robustesse certaine.
La multitude des boutons rotatifs (52 dont 51 sans fin !) et des poussoirs lumineux ainsi que la disposition claire des commandes présagent d’une simplicité d’emploi. Les positions des connecteurs et de l’interrupteur général, situés sur la face arrière, sont repérées sur la façade.
Le positionnement des molettes de pitch et de modulation n’est pas des plus courants. Personnellement, cela ne me dérange pas dans la mesure où les autres réglages ne demandent qu’à être manipulés, eux aussi, en temps réel et que les molettes ne sont pas très éloignées du clavier.

Mise sous tension

Sur la façade noire, des petites lucioles rouges surgissent un peu partout et même l’afficheur est rétro-éclairé en rouge. Une vision d’ensemble plutôt chaleureuse…
Les pattes sur le clavier : il est agréable, souple, peu bruyant mais a priori pas «semi-lesté» (comme annoncé)…ou alors à l’hélium ?

Jeu

La prise en main est immédiate pour peu que l’on connaisse le principe de la synthèse soustractive. Très pratique : l’affichage automatique du paramètre correspondant au bouton que l’on tourne ou au poussoir que l’on presse ainsi que le rappel permanent de la valeur du paramètre initial. De même que la présence d’un switch «compare».
Ombre au tableau : le manque de précision des encodeurs dont les valeurs font parfois des bonds inopinés. Le plus gênant étant pour le choix des programmes qui nécessite pas mal d’application et de patience. Dommage qu’il n’y ait pas un pad numérique mais seulement 2 touches +/- en renfort de l’encodeur rotatif.

Le son

Au rendez-vous : chaleur, pêche et versatilité. C’est bien un analogique et il est très expressif. Déjà, un grand plaisir se dégage en même temps que le désir d’aller explorer les tripes de la bête.

A l’usage

En jeu direct, l’utilisation des routages de modulation assignés à la molette mod-wheel, à la pédale d’expression, à la vélocité et à l’after-touch permet un contrôle très étendu du son. L’ajout de délais aux enveloppes peut aussi affecter le son selon le jeu au clavier.
Dommage, en passant, que les LFO n’aient pas ce paramètre délai, eux aussi. On peut, bien sûr, moduler le niveau d’un ou plusieurs LFO par l’enveloppe 3 pour cela mais elle ne peut alors plus servir à autre chose. Vous l’aurez compris : la recherche de l’expressivité peut être aussi prenante que celle des sonorités.
L’action des switchs unisson, stack, split, 12/24 du filtre, hard sync des DCO, edit layer B est immédiate et sans aucun bruit parasite : bravo! L’usage de ce dernier, en mode poly 8 voix, permet de passer immédiatement d’un programme à l’autre. Pratique aussi, la présence de 2 boutons de transposition avec rappel par 5 leds.

L’invitation à la recherche sonore est permanente, un vrai piège du fait de l’étendue des possibilités et de la facilité d’accès aux paramètres! En ce qui me concerne, je dévie très vite de mes idées de départ et passe plus de temps à explorer de nouveaux horizons plutôt qu’à jouer…
A un certain moment, l’usage de l’éditeur dédié de Soundtower (50 $ à rajouter sauf pour la version SE) peut devenir utile pour visualiser les routages des modulations et les paramètres du séquenceur.

La section DCO

 

 

 

 

 

 

 

5 niveaux de dérive (slope) peuvent être appliqués aux 2 DCO en même temps. L’effet, bien audible quand les DCO ne sont pas « détunés », devient intéressant après léger detune pour que l’effet du déphasage perde de sa régularité.
Le hard sync du DCO1 par le DCO2 ouvre de beaux horizons dès que l’on module la fréquence du DCO1 par une enveloppe ou un LFO ou que l’on applique un glide (démo 4).
En passant, 2 réglages de glide, c’est très bien mais ces réglages ne sont pas assez progressifs et il faut aller dans la zone 90 à 127 pour qu’ils soient suffisamment lents.
Il n’y a pas de FM possible d’un DCO sur l’autre. Un essai de FM par un LFO, aux fréquences maxi, ne m’a pas permis d’obtenir ces sonorités de tôle frappée ou autre son de cloches. Par contre, le son devient très « grunge » (démo 5).
Enfin, la modulation des PW des 2 DCO par une enveloppe et/ou par 2 LFO amène à une catégorie de sonorités qui m’évoquent des grands classiques (démo 6).

La section VCF

(démo 7) (démo 8)

 

 

 

 

 

 

En mode poly 8 voix, le jeu de 8 notes successives affecte, l’une après l’autre, les 8 voix et je ne perçois pas alors de différences de couleur sonore d’une note à l’autre. Les filtres sont donc bien calibrés. Avantage ou inconvénient, c’est selon.
Le balayage manuel de la fréquence de coupure est précis et progressif, ce qui n’est pas le cas du réglage de résonance en mode 4 pôles où l’auto-oscillation arrive trop tôt. En mode 2 pôles, pas d’auto-oscillation (ce qui est fréquent) et le réglage de résonance semble assez peu efficace si ce n’est qu’il diminue notablement le niveau sonore. Ce qui ne m’empêche pas de trouver le filtre 2 pôles superbe.
2 réglages sont particulièrement intéressants :

  • le suivi du clavier (key amount), très efficace, qui conditionne fortement le comportement du filtre. Par ailleurs, réglé à mi-course (64) et résonance poussée à l’auto-oscillation, en mode 4 pôles, le jeu du filtre est juste sur toute l’étendue du clavier (démo 9).
  • la modulation par le signal du VCO1, chère à Dave Smith, qui modifie le timbre en apportant toute une palette de sonorités. Lorsque le filtre est en auto-oscillation, on a enfin accès aux fameux sons métalliques typiques de la FM mais bon, on sent bien que pour ce synthé, ce n’est pas sa tasse de thé!

 

Le son

Et pour terminer : le chapitre le plus subjectif!
Il est toujours tentant de comparer à des «étalons» et j’ai même pu lire, à propos du Prophet ’08, qu’en splitant le clavier, on pouvait avoir un Prophet 5 sous une main et un Oberheim sous l’autre…ce qui est, à mon avis, tout à fait exagéré ! Ce n’est pas non plus un Poly-Evolver à 8 voix (pour le prix, faut pas rêver!). C’est le Prophet ’08, une machine homogène et séduisante…Point.

Comme à la première impression, le son est chaud, il y a une bonne dynamique, les enveloppes sont assez nerveuses. Je rajouterai qu’il en dégage une personnalité affirmée qui fait que j’ai toujours un très grand plaisir à jouer avec. Assez polyvalent, il peut sortir de grosses basses sèches ou baveuses, des cuivres rutilants ou moelleux, des nappes riches et soyeuses…
Il devrait se positionner comme un excellent instrument de scène, très musical sans oublier l’étendue de la recherche sonore qu’il propose même s’il est, sur ce terrain, plus limité et moins incisif que ses cousins de la gamme Evolver.

Fiche créée par ménélassou


additif : filter bleed

En progressant sur la machine et aussi parce qu’un copain me l’a signalé, a été mise à jour une ‘légère’ anomalie : les filtres qui saignent!
En fait, lorsque le VCF est fermé et que le VCA est ouvert, on entend faiblement mais distinctement les signaux issus des DCO, non filtrés. Le VCA, lui, se révèle étanche, heureusement!
Le problème peut donc être gênant lorsqu’on joue sur l’enveloppe du filtre pour moduler l’intensité du son alors que celle du VCA l’englobe largement (en particulier si le sustain est à fond).
Ce phénomène est moins accentué lorsque les signaux choisis pour les DCO sont des dents de scie.
L’anomalie a été signalée à Dave Smith Instruments qui, pour l’instant ne s’en affolent pas et la qualifient de ‘filter bleed’.
En voulant savoir si l’Evolver avait aussi cette légère tendance à l’hémophilie, la réponse est OUI (démo 10: prophet ’08 puis evolver)

Réponse de Dave Smith

(résumé de la traduction)

  • filtre à 0, aucune modulation du filtre : son des oscillo à très faible niveau (67 dB en dessous du signal à niveau maxi)
  • cause : les CI Curtis employés qui combinent les oscillo et les filtres. Ce sont les mêmes qui sont utilisés sur les Evolver et il est intéressant de noter que ce problème n’avait jamais été soulevé depuis les 5 années de production de milliers d’unités
  • le choix de ces CI a permis d’élaborer un instrument analogique à 8 voix pour un prix inférieur à certains monos de la concurrence
  • plusieurs synthés vintage ont la même particularité. Par exemple, le Prophet 5 mais étant donné que son rapport signal/bruit est moins favorable que celui du Prophet ’08 (6 dB supérieur au signal parasite du P8), celui-ci est noyé dans le bruit de fond
  • la plupart des utilisateurs ne se sont pas rendu compte de ce signal résiduel qui est masqué au cours du jeu normal d’un programme normal. Après tout, le VCA a son rôle à jouer et lorsqu’il est fermé, le bruit est à -90 dB, ce qui est bien silencieux pour un synthé analo
  • pas d’amélioration à attendre vu que le synthé est construit autour de ces CI analogiques

    Le texte original est publié sur AF

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